Sommaire 
de l'année 
En rapport avec les documents 
sonores disponibles en archives au groupe Lutecium, 
les extraits que nous proposerons bientôt sur cette page sont une transcription 
écrite de la séance qui a été relue à l'aide de la bande son. 
 
  transcription de la version parlée
    Ces places et ces 
  éléments, c'est où se désigne que ce qui est à proprement parler discours ne 
  saurait d'aucune façon se référer d'un sujet bien qu'il le détermine. C'est là 
  sans doute l'ambiguïté de ce par quoi j'ai introduit ce que je pensais devoir 
  faire entendre à l'intérieur du discours psychanalytique. Rappelez-vous mes 
  termes au temps où j'intitulais un certain rapport de la fonction et du champ 
  de la parole et du langage dans la psychanalyse. 
    Intersubjectivité, écrivais-je 
  alors, et Dieu sait à quelle fausse trace l'énoncé de termes tels que celui-là 
  peut donner occasion. Qu'on m'excuse d'avoir eu, ces traces, à les faire 
  premières. Je ne pouvais aller au devant que du malentendu. Inter certes en 
  effet, c'est ce que seule la suite m'a permis d'énoncer d'une 
  inter-signifiance, subjectivité de sa conséquence, le signifiant étant ce qui 
  représente un sujet pour un autre signifiant où le sujet n'est pas. C'est bien 
  en cela que pour ce que là où il est représenté il est absent, que représenté 
  tout de même il se trouve ainsi divisé. 
    Le discours, ce n'est pas 
  seulement qu'il ne peut plus dès lors être jugé qu'à la lumière de son ressort 
  inconscient, c'est qu'il ne peut plus être énoncé comme quelque chose d'autre 
  que ce qui s'articule d'une structure où quelque part il se trouve aliéné 
  d'une façon irréductible. D'où mon énoncé du discours introductif : "d'un 
  discours", je m'arrête : ce n'est pas le mien. C'est de cet énoncé du discours 
  comme ne pouvant être comme tel discours d'aucun, particulier, mais se fondant 
  d'une structure et de l'accent que lui donne la répartition, le glissement de 
  certains de ses termes, c'est de là que je pars cette année pour ce qui 
  s'intitule D'un discours qui ne serait pas du semblant. 
  
    A ceux qui n'ont pu 
  l'année dernière suivre ces énoncés qui sont donc préalables, j'indique que la 
  parution qui date déjà de plus d'un mois de Scilicet (2-3) leur en 
  donnera les références principales. Scilicet (2-3), parce que c'est un 
  écrit, est un événement sinon un avènement de discours. 
  
    D'abord en ceci c'est 
  que celui dont je me trouve instruit sans qu'on puisse éluder qu'il nécessite 
  votre presse, autrement dit que vous soyez là, et très précisément sous cet 
  aspect dont quelque chose de singulier fait la presse, assurément avec, 
  disons, les incidences de notre histoire, il est quelque chose qui se touche, 
  qui renouvelle la question de ce qu'il peut en être du discours en tant qu'il 
  est le discours du maître. 
    Ce quelque chose qui ne peut faire que de lier 
  quelque chose dont on s'interroge à le dénommer, n'allons pas trop vite à nous 
  servir du mot révolution. 
    Mais il est clair qu'il faut discerner de ce qu'il 
  en est de ce qui, en somme, me permet de poursuivre mes énoncés de cette 
  formule : D'un  discours qui ne serait pas du 
  semblant. 
  
    Deux traits sont ici à 
  retenir dans ce numéro de Scilicet. C'est ce que je mets à l'épreuve, 
  somme toute à peu près, à quelque chose près qui est en plus, mon discours de 
  l'année dernière dans une configuration qui justement se caractérise par 
  l'absence de ce que j'ai appelé cette presse de votre présence. Et pour y 
  mettre son plein accent, je la dirais de ces termes... ce que cette présence 
  signifie, je l'épinglerai du plus-de-jouir pressé 
    Car c'est très précisément de 
  cette figure que peut être estimée, si elle va au-delà d'une gêne, comme on 
  dit, concernant trop de semblance dans le discours où vous êtes inscrits, le 
  discours universitaire, celle qu'il est facile de dénoncer d'une neutralité 
  par exemple que ce discours ne peut prétendre soutenir, d'une sélection 
  compétitive quand il ne s'agit que des signes qui s'adressent aux avertis, 
  d'une formation du sujet quand il s'agit de bien autre chose. 
  
    Pour aller au-delà de 
  cette gêne des semblants, pour que quelque chose s'espère qui permette d'en 
  sortir, rien ne le permet que de poser qu'un certain mode, qu'un certain mode 
  de rigueur dans l'avancement d'un discours ne clive en position dominante dans 
  ce discours ce qu'il en est de ce triage de ces globules de plus-de-jouir au 
  titre de quoi vous vous trouvez dans le discours universitaire 
  pris. 
    
  C'est précisément que quelqu'un, à partir du discours analytique, se mette à 
  votre regard dans la position de l'analysant - ce n'est pas nouveau, je l'ai 
  déjà dit, mais personne n'y a fait attention -, ce qui constitue l'originalité 
  de cet enseignement et ce qui motive ce que vous lui apportez de votre presse, 
  c'est ce qu'à parler à la radio j'ai mis à l'épreuve de cette soustraction 
  précisément de cette présence cet espace où vous vous pressez, annulé et 
  remplacé par le Il existe pur de cette inter-signifiance dont je 
  parlais tout à l'heure pour qu'y vacille le sujet. 
    C'est simplement  une 
  [aiguillage 
  ... ?]1  vers quelque chose dont l'avenir dira la portée 
  possible. 
    
  Il est un autre trait dans ce que j'ai appelé cet événement, cet avènement de 
  discours, c'est cette chose imprimée qui s'appelle Scilicet, c'est - 
  comme un certain nombre déjà le savent - qu'on y écrit sans 
  signer. 
    
  Qu'est-ce que ça veut dire ? Que chacun de ces noms qui se trouvent mis en 
  colonne à la dernière page de ces trois numéros qui constituent une année peut 
  être permuté avec chacun des autres, affirmant de là qu'aucun discours ne 
  saurait être d'auteur. 
    Là ça parle, dans l'autre cas, c'est [ ...  
  ]2 ; là l'avenir dira si c'est la formule que, disons dans 5, 6 ans, 
  adopteront toutes les revues, les revues bien s'entend... enfin, on verra 
  ! 
    Je 
  n'essaie pas, dans ce que je dis, de sortir de ce qui est 
  ressenti, éprouvé dans mes énoncés comme accentuant, comme tenant à l'artefact 
  du discours. C'est dire bien sûr  - c'est la moindre des choses - que, ce 
  faisant, ça exclut que je prétende tout en couvrir. 
    Ca ne peut être un 
  système. 
    
  Ca n'est à ce titre pas une philosophie. 
    Il est clair qu'à quiconque qui 
  prend sous le biais où l'analyse nous permet de redoubler ce qu'il en est du 
  discours, ceci implique qu'on se déplace, dirais-je, dans un 
  "des-univers". 
    Ce n'est pas la même chose qu'un divers. Mais même 
  à ce divers je ne répugnerais pas, et pas seulement pour ce qu'il implique de 
  diversité, mais jusqu'à ce qu'il applique de diversion. 
  
    Il est très clair aussi 
  que je ne parle pas de tout, que même dans ce que j'énonce ça résiste à ce 
  qu'on parle de tout à son propos. Ca se touche du doigt tous les jours. Même 
  sur ce que j'énonce que je ne dise pas tout, cela est autre chose, je l'ai 
  déjà dit, ça tient à ceci que la vérité n'est qu'à mi-dire. 
  
    Ce discours donc qui se 
  confine à n'agir que dans l'artefact n'est en somme que le prolongement de la 
  position de l'analyste, en tant qu'elle se définit de mettre le poids de son 
  "plus-de-jouir" à une certaine place.  C'est néanmoins la position qu'ici 
  je ne saurai soutenir, très précisément de n'être pas dans cette position de 
  l'analyste. Comme je l'ai dit tout à l'heure, à ceci près qu'il vous y manque 
  le savoir, c'est plutôt vous qui y seriez, dans votre presse. 
  
    Ceci dit, quelle peut 
  être la portée de ce que dans cette référence j'énonce : d'un discours qui 
  ne serait pas du 
    Ca peut s'énoncer de ma 
  place et en fonction de ce que j'ai énoncé précédemment, c'est un fait en tout 
  cas que je l'énonce. Remarquez que c'est un fait aussi puisque je l'énonce. 
  Vous pouvez n'y voir que du feu, c'est-à-dire penser qu'il n'y a rien de plus 
  que le fait que je l'énonce. 
    Seulement si j'ai parlé à propos du discours 
  d'artefact, c'est que pour le discours il n'y a rien de fait, si je puis dire, 
  déjà, et il n'y a de fait que du fait du discours. Le fait énoncé est tout 
  ensemble le fait du discours. C'est ça que je désigne par le terme d'artefact, 
  et bien entendu c'est ce qu'il s'agit de réduire, parce que si je parle 
  d'artefact, ce n'est pas pour en faire surgir l'idée de quelque chose qui 
  serait autre, d'une nature dont vous auriez tort de vous y engager pour en 
  affronter les embarras parce que vous n'en sortiriez pas. La question ne 
  s'instaure pas dans les termes : est-ce ou n'est-ce pas dicible ? Mais dans 
  ceci : c'est dit ou ce n'est pas dit. 
    Je pars de ce qui est dit dans un discours dont 
  l'artefact est supposé suffire à ce que vous soyez là. Ici coupure, car je 
  n'ajoute pas : à ce que vous soyez là à l'état de plus-de-jouir pressé. J'ai 
  dit coupure parce qu'il est questionnable de savoir si c'est en tant 
  que plus-de-jouir pressé déjà que mon discours vous rassemble. Il n'est pas 
  tranché, quoi qu'en pense tel ou tel, que ce soit ce discours, celui de la 
  suite des énoncés que je vous présente, qui vous mette vous dans cette 
  position d'où il est questionnable par le, par le pas d'un discours qui 
  ne serait pas du semblant. 
    Du semblant, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce 
  que ça veut dire dans cet énoncé ? 
    Du semblant de discours par exemple. Vous le savez, 
  c'est la position dite du logico-positivisme, c'est que si à partir d'un 
  signifié à mettre à l'épreuve de quelque chose qui tranche par oui ou par non, 
  ce qui ne permet pas de s'offrir à cette épreuve, voilà ce qui est défini ne 
  vouloir rien dire, mais avec ça, on se croit quitte d'un certain nombre de 
  questions qualifiées de métaphysiques. Ce n'est  pas certain que j'y 
  tienne. Mais je tiens à faire remarquer que la position du logico-positivisme 
  est intenable, en tout cas à partir de l'expérience analytique 
  notamment. 
  
    Si l'expérience 
  analytique se trouve impliquée de prendre ses titres de noblesse du mythe 
  oedipien, c'est bien qu'elle préserve le tranchant de l'énonciation de 
  l'oracle. 
    
  Et je dirai plus : que l'interprétation y reste toujours du même niveau, elle 
  n'est vraie que par ses suites, tout comme l'oracle. L'interprétation n'est 
  pas mise à l'épreuve d'une vérité qui se trancherait par oui ou par non, elle 
  déchaîne la vérité comme telle. Elle n'est vraie qu'en tant que vraiment 
  suivie. 
    
  Nous verrons tout à l'heure les schémas de l'implication, j'entends de 
  l'implication logique, dans les formes les plus classiques, ces schémas 
  d'eux-mêmes nécessitent le fonds de ce véridique en tant qu'il n'appartient 
  qu'à la parole, fût-elle à proprement parler, insensée. 
  
    Le passage de ce moment 
  où la vérité se tranche de son seul déchaînement à celui d'une logique qui va 
  tenter de donner corps à cette vérité, c'est très précisément le moment où le 
  discours en tant que représentant de la représentation est renvoyé, 
  disqualifié. Et s'il peut l'être, c'est parce qu'en quelque partie il l'est 
  toujours déjà, que c'est ça que l'on appelle le refoulement. 
  
    Ce n'est plus une 
  représentation qu'il représente, c'est cette suite de discours qui se 
  caractérise comme effet de vérité. Effet de vérité, ce n'est pas du semblant 
  et l'Oedipe est là pour vous apprendre, si vous me permettez, pour vous 
  apprendre que c'est du sang rouge. Seulement voilà, le sang rouge ne réfute 
  pas le semblant, il le colore, il le rend ressemblant, il le propage : un peu 
  de sciure et le cirque recommence ! 
    C'est bien pour cela que c'est au niveau de 
  l'artefact de la structure du discours que peut s'élever la question d'un 
  discours qui ne serait pas du semblant. En attendant, il n'y a pas de semblant 
  de discours, il n'y a pas de métalangage pour en juger, il n'y a pas d'Autre 
  de l'Autre, il n'y a pas de vrai sur le vrai. 
    Je me suis amusé un jour à faire 
  parler la vérité. Je demande où il y a un paradoxe. Qu'est-ce qu'il peut y 
  avoir de plus vrai que l'énonciation "je mens" ? 
    Le chipotage classique qui 
  s'énonce du terme de paradoxe ne prend corps que si ce "je mens", vous le 
  mettez sur un papier à titre d'écrit. Tout le monde sent qu'il n'y a rien de 
  plus vrai qu'on puisse dire à l'occasion que de dire "je mens". C'est même 
  très certainement la seule vérité qui, à l'occasion, ne soit pas brisée. Car 
  qui ne sait qu'à dire que "je ne mens pas", on n'est absolument pas à l'abri 
  de dire quelque chose de faux. Qu'est-ce à dire ? La vérité dont il s'agit 
  quand elle parle, celle dont j'ai dit qu'elle parle "je" qui s'énonce comme 
  oracle, qui parle ? 
  
    Ce semblant, c'est le 
  signifiant, en lui-même. Qui ne voit que ce qui le caractérise, ce signifiant, 
  dont au regard des linguistes je fais cet usage qui les gêne ? 
  (coupure) 
    
  Il s'en est trouvé pour écrire ces lignes destinées à bien avertir que sans 
  doute Ferdinand de Saussure n'en avait pas la moindre idée. Qu'est-ce qu'on en 
  sait ? Ferdinand de Saussure faisait comme moi : il ne disait pas tout. La 
  preuve, c'est qu'on a trouvé dans ces papiers des choses qu'il n'a jamais 
  voulu faire sortir. 
    Le signifiant, on croit que c'est une bonne petite 
  chose qui est apprivoisée par le structuralisme, on croit que c'est l'Autre en 
  tant qu'Autre, et la batterie du signifiant, et tout ce que j'explique bien 
  sûr. Bien entendu, cela vient du ciel parce que je suis un idéaliste pour 
  l'occasion. 
    Artefact ai-je dit d'abord, bien sûr. L'artefact, 
  c'est absolument certain que ce soit notre sort de tous les jours. Nous le 
  trouvons à tous les coins de rue, à la portée du moindre geste de nos mains. 
  S'il y a quelque chose qui soit un discours soutenable, en tout cas soutenu, 
  celui de la science, nommément, ce n'est peut-être pas vain de se souvenir 
  qu'il est parti très spécialement de la considération de 
  semblant. 
    
  Le départ de la pensée scientifique, je parle de l'histoire, qu'est-ce que 
  c'est ? L'observation des astres, qu'est-ce que c'est si ce n'est la 
  constellation, c'est-à-dire le semblant typique. Les pas premiers de la 
  physique moderne, autour de quoi est-ce que ça tourne au départ ? Non pas, 
  comme on le croit, des éléments, car les éléments, les quatre, même si vous y 
  ajoutez la quintessence, c'est déjà du discours, du discours philosophique, et 
  comment ! C'est des météores. Descartes fait un traité des météores. Le pas 
  décisif, un des pas décisifs tourne autour de la théorie de 
  l'arc-en-ciel. 
    Et quand je parle d'un météore, c'est quelque 
  chose qui se définit d'être qualifié comme tel d'un semblant. Personne n'a 
  jamais cru que l'arc-en-ciel, même parmi les gens les plus primitifs, que 
  l'arc-en-ciel était quelque chose, qui était là, courbé, dans le ciel. C'est 
  en tant que météore qu'il est interrogé. Le météore le plus caractéristique, 
  le plus originel, celui dont il est hors de doute qu'il est  lié à la 
  structure même du discours, c'est le tonnerre, et si j'ai terminé mon 
  Discours de Rome sur l'évocation du tonnerre, ce n'est pas seulement 
  comme ça par fantaisie, il n'y a pas de nom-du-père de l'arc sans le tonnerre, 
  dont tout le monde sait très bien qu'on ne sait même pas le signe de 
  quoi c'est le tonnerre, c'est la figure même du semblant. 
  C'est en cela qu'il n'y a pas de semblant qui... , tout ce qui est discours ne 
  peut que se donner en semblant. 
    Eh bien, c'est Epicure, soit ! 
  à part de ce quelque chose qui s'appelle signifiant, qui nous donne la 
  lumière : ce que je vous ai produit aujourd'hui est identique à ce statut 
  comme tel du semblant. 
    D'un discours qui ne serait pas du semblant ... 
  pour que ça fasse énoncé, il faut donc que d'aucune façon ce du 
  semblant  ne soit complétable de la référence de discours, c'est 
  d'autre chose qu'il s'agit, du référent sans doute, contenez-vous un tout 
  petit peu. Ce référent n'est pas probablement tout de suite l'objet, puisque 
  justement ce que ça veut dire,... c'est que ce référent, c'est justement du 
  semblant. 
    
  Le semblant dans lequel le signifiant est identique à lui-même, c'est un des 
  pôles du terme de semblant, c'est le semblant dans la nature, ce n'est pas 
  pour rien que, lisez Rabelais ... qu'aucun discours qui évoque la nature n'a 
  jamais fait que de partir de ce qui dans la nature est semblant. 
  
   Car la nature en elle-même, je 
  n'parle pas de la nature animale, dont il est bien évident qu'elle en sait un 
  bout. C'est même ce qui fait qu'il y a de doux rêveurs... Pensez  que toute entière 
  la nature animale, n'est-ce pas, des poissons aux oiseaux, chante la louange 
  divine, ça va de soi. Pourquoi ils ouvrent comme ça quelque chose, une tête, 
  une bouche, un opercule ? C'est un semblant manifeste, et elle nécessite cette 
  nuance quand nous entrons dans quelque chose dont l'efficace n'est pas tranché 
  pour la simple raison que nous ne savons pas comment cela s'est fait qu'il y a 
  eu si je puis dire accumulation de signifiants. 
    Car les signifiants, je viens de 
  vous le dire, sont répartis dans le monde, dans la nature, ils sont là à la 
  pelle. 
    Et 
  pour que naisse le langage - c'est déjà quelque chose que d'amorcer ça - pour 
  que naisse le langage, il a fallu que quelque part s'établisse ce quelque 
  chose que je vous ai déjà indiqué à propos du pari : c'était le pari de 
  Pascal, nous ne nous en souvenons pas. 
    Supposez ceci, n'est-ce pas ! 
  L'ennuyeux c'est que ça suppose déjà le fonctionnement du langage, parce qu'il 
  s'agit de l'inconscient. L'inconscient et son jeu, cela veut dire que parmi 
  les nombreux signifiants qui courent le monde, il va y avoir en plus le corps 
  morcelé. 
    
  Il y a quand même des choses qui... dont on peut partir en pensant qu'elles 
  existent déjà. Elles existent déjà dans un certain fonctionnement où nous ne 
  serions pas forcés de considérer l'accumulation du signifiant. 
  
    C'est des histoires de 
  territoire. Si le signifiant, votre bras droit, va dans le territoire du 
  voisin faire la cueillette, ce sont des choses qui arrivent tout le temps, à 
  ce moment votre voisin saisit votre signifiant bras droit et vous le rebalance 
  par-dessus la chose mitoyenne. C'est ce que vous appelez curieusement 
  projection. C'est une façon de s'entendre. C'est d'un phénomène comme ça qu'il 
  faudrait partir. 
    Si votre bras droit chez votre voisin n'était pas 
  entièrement occupé à la cueillette des pommes, s'il était resté tranquille, il 
  est assez probable que votre voisin l'aurait adoré, c'est l'origine du 
  signifiant maître, un bras droit, le sceptre. Le signifiant-maître, ça ne 
  demande qu'à commencer comme cela tout au début. 
    Il en faut malheureusement un peu 
  plus, c'est un schéma très satisfaisant, en plus ça vous donne le sceptre, 
  tout de suite vous voyez la chose se matérialiser comme signifiant. Le procès 
  de l'histoire se montre, d'après tous les témoignages, dans ce qu'on a un tout 
  petit peu plus compliqué. 
    Il est certain que la petite parabole, celle par 
  laquelle j'avais commencé d'abord, n'est-ce pas, le bras qui vous est 
  re-renvoyé d'un territoire à l'autre, c'est pas forcé que ce soit votre bras 
  qui vous revienne, parce que les signifiants, c'est pas individuel. On ne sait 
  pas lequel est à qui. 
    Alors, vous voyez là, nous entrons dans une espèce 
  d'autre jeu originel quant à la fonction du hasard, que celui d'Oedipe. Vous 
  me faites un monde pour l'occasion, disons un schéma, un support, divisé comme 
  ça en un certain nombre de cellules territoriales. 
    Cela se passe à un certain niveau, 
  celui où il s'agit de produire, où il s'agit de comprendre un peu ce qui s'est 
  passé. Après tout, non seulement on peut recevoir un bras qui n'est pas le 
  sien par ce processus d'expulsion que vous avez appelé on ne sait pourquoi 
  projection, si ce n'est que ça vous est projeté, bien sûr ! non seulement un 
  bras qui n'est pas le vôtre, mais plusieurs autres bras. Alors à partir de ce 
  moment-là, cela n'a plus d'importance que ce soit le vôtre ou que ce ne soit 
  pas le vôtre. Mais enfin comme après tout, de l'intérieur d'un territoire, on 
  ne connaît que ses propres frontières et que l'on n'est pas forcé de savoir 
  que sur cette frontière il y a six autres territoires, on balance ça un petit 
  peu comme on peut, et alors il se peut que ces territoires il y en ait une 
  pluie. L'idée du rapport qu'il peut y avoir entre le rejet de quelque chose et 
  la naissance de ce que je vous appelais tout à l'heure le signifiant maître 
  est certainement une idée à retenir. 
  
    Mais pour qu'elle prenne 
  tout son prix, il faut certainement qu'il y ait eu par un processus de hasard 
  en certains points accumulation de signifiants. A partir de là, peut se 
  concevoir quelque chose qui soit la naissance d'un langage. Ce que nous voyons 
  à proprement parler s'édifier comme premier mode de supporter dans l'écriture 
  ce qui sert de langage en donne en tout cas une certaine idée : chacun sait 
  que la lettre A est une tête de taureau renversée et qu'un certain nombre 
  d'éléments comme celui-là  [...?]3 laissent encore leur trace. 
    Ce qui est important, c'est de ne pas aller trop 
  vite et de voir où continuent de rester les trous. Par exemple, il est bien 
  évident que le départ de cette esquisse était déjà lié à quelque chose de 
  marquant le corps d'une possibilité d'ectopie et de balade, qui évidemment 
  reste problématique. Mais après tout, là encore, tout est toujours 
  là. 
    Nous 
  avons enfin, c'est un point très sensible que nous pouvons encore contrôler 
  tous les jours, il n'y a même pas très longtemps, cette semaine, quelque 
  chose, une très jolie photo d'un journal dont certainement tout le monde s'est 
  délecté. Les possibilités de l'exercice de découpage de l'être humain sont 
  tout à fait impressionnantes. C'est même de là que tout est 
  parti. 
    Il 
  reste un autre trou. Vous le savez, on s'est cassé la tête, on a bien fait la 
  remarque que Hegel c'est très joli, mais qu'il y a quand même quelque chose 
  qu'il n'explique pas .Il explique la dialectique du maître et de l'esclave, 
  mais il n'explique pas qu'il y ait une société de maîtres. Il est tout à fait 
  clair que ce que je viens de vous expliquer est certainement intéressant en 
  ceci que par le seul jeu de la projection, de la rétorsion, il est clair qu'au 
  bout d'un certain nombre de coups, il y aura certainement, je dirai, une 
  moyenne de signifiants plus importante dans certains territoires que dans 
  d'autres. 
    
  Mais enfin il reste encore à voir comment ces signifiants vont pouvoir dans un 
  territoire faire société de signifiants. Il convient de ne jamais laisser dans 
  l'ombre ce qu'on n'explique pas sous prétexte que l'on a réussi à donner un 
  petit commencement d'explication. 
    Quoi qu'il en soit, l'énoncé de notre titre de 
  cette année D'un discours qui ne serait pas du semblant  
  concerne quelque chose qui a à faire avec l'économie. 
    Ici, le "du semblant", nous 
  tairons "à lui-même", il n'est pas semblant d'autre chose, il est à prendre au 
  sens du génitif objectif. Il s'agit du semblant comme objet propre dont se 
  règle l'économie du discours. 
    Est-ce que nous allons dire que c'est aussi un 
  génitif subjectif ? 
    Est-ce que le "du semblant" concerne aussi ce qui 
  tient le discours ? 
    Seul le mot subjectif est ici à repousser, pour la 
  simple raison que le sujet n'apparaît qu'une fois instaurée quelque part cette 
  liaison des signifiants. 
    Qu'un sujet ne saurait être produit que de 
  l'articulation signifiante. 
    Qu'un sujet comme tel ne maîtrise jamais en aucun 
  cas cette articulation mais en est à proprement parler déterminé. Un discours, 
  de sa nature, fait semblant comme on peut dire qu'il fait florès ou qu'il fait 
  léger ou qu'il fait chic. 
  
    Si ce que j'énonce de la 
  parole est justement vrai d'être toujours très authentiquement ce qu'elle est, 
  au niveau où nous sommes de l'objectif et de l'articulation, c'est donc très 
  précisément comme objet de ce qui se produit dans le discours que le semblant 
  se pose. 
    
  D'où le caractère à proprement parler insensé de ce qui s'articule. Mais il 
  faut dire que c'est bien là que se révèle ce qu'il en est de la richesse du 
  langage, à savoir qu'il détient une logique qui dépasse de beaucoup tout ce 
  que nous arrivons à en cristalliser, à en détacher. 
    J'ai employé la forme hypothétique 
  : D'un discours qui ne serait pas du semblant. 
    Chacun sait les développements 
  qu'a pris après Aristote la logique de mettre l'accent sur la fonction 
  hypothétique. Tout ce qui s'est articulé de donner la valeur "Vrai" ou "Faux" 
  à l'articulation de l'hypothèse et à combiner ce qui en résulte, de 
  l'implication d'un terme à l'intérieur de cette hypothèse comme étant signalée 
  comme vraie. C'est l'inauguration de ce qu'on appelle le modus bonens 
  et bien d'autres modes encore, chacun sait ce que l'on en a 
  fait. 
    Il 
  est frappant qu'au moins à ma connaissance, jamais personne nulle part n'ait 
  individualisé la ressource que comporte l'usage de cet hypothétique sous la 
  forme négative. 
    Chose 
  frappante, si l'on se réfère par exemple à ce qui en est recueilli dans mes 
  Ecrits, quand quelqu'un, à l'époque, à l'époque héroïque où je 
  commençais de défricher le terrain de l'analyse, comme quelqu'un venait 
  contribuer au déchiffrage de la Verneinung. 
  
    
  Encore qu'à commenter Freud lettre à lettre, il s'aperçut fort bien, car Freud 
  le dit en toutes lettres, que la Bejahung ne comporte qu'un jugement 
  d'attribution. 
    En quoi Freud vraiment marque 
  une finesse et une compétence tout à fait exceptionnelles à l'époque où il 
  écrit ceci, car seuls quelques logiciens de diffusion modeste pouvaient à la 
  même époque l'avoir souligné. 
    Le jugement d'attribution, ce 
  qui ne préjuge en rien de l'existence : la seule position d'une 
  Verneinung implique l'existence de quelque chose qui est très 
  précisément ce qui est nié 
  Un discours qui ne serait pas du 
  semblant pose que le discours, comme je viens de l'énoncer, est du 
  semblant. 
    Ce qui a un grand avantage de le poser ainsi, c'est 
  qu'on ne dit pas du semblant de quoi. 
    Or c'est là 
  bien sûr, c'est là ce autour de quoi se proposent d'avancer nos énoncés, c'est 
  de savoir de quoi il s'agit là où ce ne serait pas du 
  semblant. 
    Bien sûr le terrain est préparé d'un pas singulier 
  et timide qui est celui que Freud a fait dans L'Au-delà du principe de 
  plaisir. Je ne veux ici - parce que je ne peux pas en faire plus - 
  qu'indiquer le noeud que forment dans ces énoncés la répétition et la 
  jouissance. C'est en fonction de ceci que la répétition va contre le principe 
  du plaisir qui, je dirai, ne s'en relève pas. 
    L'hédonisme ne 
  peut à la lumière de l'expérience analytique que rentrer dans ce qu'il est, à 
  savoir un mythe philosophique, j'entends un mythe d'une classe parfaitement 
  définie. C'est une thèse et je l'ai énoncée l'année dernière de l'aide qu'ils 
  ont apportée à un certain procès du Maître, en permettant au discours du 
  Maître, comme tel, d'édifier un savoir. 
    Ce savoir est 
  savoir de Maître. 
    Ce savoir a supposé, puisque le 
  discours philosophique en porte encore la trace, l'existence en face du Maître 
  d'un autre savoir dont, Dieu merci, le discours philosophique n'a pas disparu 
  sans avoir épinglé - avant - qu'il devait y avoir à l'origine un rapport entre 
  ce savoir et la jouissance. 
    Celui qui a ainsi clos le 
  discours philosophique, Hegel pour le nommer, bien sûr ne voit que la façon 
  dont par le travail l'esclave arrivera à accomplir quoi ? rien d'autre que le 
  savoir du Maître. 
    Mais qu'introduit de nouveau ce 
  que j'appellerai l'hypothèse freudienne ? 
    C'est sous une 
  forme extraordinairement prudente, mais tout de même syllogistique, ceci : si 
  nous appelons principe du plaisir ceci que toujours de par le comportement du 
  vivant il est revenu à un niveau qui est celui de l'excitation minimale et 
  ceci règle son économie. 
    S'il s'avère que la répétition 
  s'exerce de façon telle qu'une jouissance dangereuse, qu'une jouissance qui 
  outrepasse cette excitation minimale soit ramenée, est-il possible, c'est sous 
  cette forme que Freud énonce la question, qu'il soit pensé que la vie prise 
  elle-même dans son cycle, c'est une nouveauté au regard du monde qui ne la 
  comporte pas universellement, que la vie comporte cette possibilité de 
  répétition qui serait le retour à ce monde-ci en tant qu'il est 
  semblant. 
    Je vais vous faire remarquer par un graphique au 
  tableau que ceci comporte au lieu d'une suite de courbes d'excitation 
  ascendante et descendante et toutes confinant à une limite, qui est une limite 
  supérieure, la possibilité d'une intensité d'excitation qui peut aussi bien 
  aller à l'infini, ce qui est conçu comme jouissance ne comportant de soi en 
  principe d'autre limite que ce point de tangence inférieur, ce point que nous 
  appellerons suprême en donnant son sens propre à ce mot qui veut dire le point 
  le plus bas d'une limite supérieure, 
  

de même qu'infime est le 
  point le plus haut d'une limite inférieure. 
    La cohérence 
  donnée du point mortel dès lors conçu, sans que Freud le souligne, comme une 
  caractéristique de la vie, mais à la vérité ce à quoi on ne songe pas est en 
  effet ceci : c'est que l'on confond ce qui est de la non-vie et qui est loin, 
  fichtre, de ne pas remuer ce silence éternel des espaces infinis qui sidérait 
  Descartes. Ils parlent, ils chantent, ils se remuent de toutes les façons à 
  nos regards maintenant. Le monde dit inanimé n'est pas la 
  mort. 
[fin de la bande sonore] 
  
Qui ne voit pas que l'économie, même celle de la nature, est toujours fait de discours, celui-là ne peut saisir que ceci indique qu'il ne saurait s'agir ici de la jouissance qu'en tant qu'elle est elle-même non seulement fait, mais effet de discours. Si quelque chose qui s'appelle l'inconscient peut être mi-dit comme structure langagière, c'est pour qu'enfin nous apparaisse le relief de cet effet de discours qui jusque-là nous paraissait comme impossible, à savoir le plus-de-jouir.
Est-ce à dire, pour suivre une de mes formules, qu'en tant que c'était comme impossible qu'il fonctionnait comme réel. J'ouvre la question, car à la vérité rien n'explique que l'irruption du discours de l'Inconscient, tout balbutiant qu'il reste, implique quoi que ce soit dans ce qui le précédait qui fut soumis à sa structure. Le discours de l'inconscient est une émergence, c'est l'émergence d'une certaine fonction du signifiant. Qu'il existât jusque-là comme enseigne, c'est bien en quoi je vous l'ai mis au principe du semblant. Mais les conséquences de son émergence, c'est cela qui doit être introduit comme quelque chose qui change, qui ne peut pas changer, car ce n'est pas du possible. C'est au contraire de ce qu'un discours se centre de son effet comme impossible qu'il aurait quelque chance d'être un discours qui ne serait pas du semblant.
  
